Longtemps, nous avons déroulé dans les années 70′ d’un siècle dernier nos promenades dans les rayons de la mort vers des espaces où l’homme était passé jadis et qui n’existaient plus sous leur forme utile. L’abandon régnait et la nature reprenait son terrain. Ancien supermarché dévasté, école abandonnée, camp militaire obsolète, relais routier désaffecté, station service fermée, aéroport, ils demeuraient des interrogations sur ce qui s’était bel et bien passé ici et pourquoi subitement toute la vie humaine avait disparu. Nous rôdions comme des survivants et parfois, nous utilisions les locaux déshérités pour nos expérimentations picturales. Je retrouve dans l’oeuvre picturale de Sait cette impression d’immense volatilisation des sentiments. Et la réintroduction dans ses espaces aux perspectives infinies d’une jungle métaphorique incroyable. Le constat des temps tranchés, la disparition des mégalopoles, le renouveau des tribus dans les contrées et les vestiges d’une absorption du réel vers la science qui n’est plus fictionnelle mais opérationnelle. Le conduit des origines troublées, la déchéance d’un univers aux portes des irradiations terminales et la poussée de l’herbe, des derniers palmiers, du toujours sable dans le kérosène absorbé en strates dont les archéologues du futur ont perdu toute trace depuis l’apogée des incompréhensions. N’en demeure beauté, extrême long temps des rendus sur le coton, enluminure à des endroits, pulvérisations à d’autres, contrastes des précisions et des plans éloignés, recoupements des impressions dans des registres bousculés. Une vague d’esprit et le sujet de la peinture conditionné comme en liberté provisoire.
J’aime depuis peu, le travail de Sait Toprak. Depuis nos échanges postaux et le lien sur le réseau internet. Des échanges, et la curiosité gagne, voir l’oeuvre, s’enraciner dans des possibles, confondre et plier. Puis organiser le sentiment et inverser les rôles des faciles qui deviennent des liens. La plaine est une étendue, ici peuplée des combustions anciennes, des stigmates de ce qui a brûlé, fondu, disparu par ce qui émerge, se déploie, s’enfile sur le paysage de la peinture comme un souffle attribué à la nouveauté de la fin des Mondes. Une boule d’intelligence, un conglomérat de techniques mêlées qui renverse les points de vue. Choses frottées, choses léchées. Les noirs de la mine et du pétrole, les grues des anciens docks, celle des puits, au loin le regard des lumières vers celui des profondeurs comme une alternative au demeurant, vivre et rester sur le tarmac des obligatoires bouleversements climatiques et humains. Christophe Massé 15 juillet 2024.
Fugace propose plus que présente, c’est une série de portraits poétique d’un travail. Artiste que j’aime, car le travail me fascine et m’immerge dans des rêveries particulières.
Fugace hébergé par Artishere. Pour mémoire : #1 Elisabeth Querbes – #2 Cathrine Muryn. – #3 Sophie Pelletier – #4 Virginie Delannoy – #5 Céline SB – #6 Ryosuke Cohen – #7 Michel Fourquet – #8 Benoît Pingeot
Sait Toprak © « Pedestal III from the rubble, » – Technique mixte sur toile – 2017