Dans les bras de l’enfance des textures.

Rien de définitif dans la substance des déplacements si tout s’emporte et se ligature, comme un écroulement et son eczéma, la coulure des rouilles prise dans les instants panachés. Sous le bras, le manteau, le parapluie, un bonnet, les cigarettes, la magnificence d’un carnet. Ce paquetage est une posture du départ et le rassemblement des dernières forces, à chaque pas dans chaque stade, du renoncement à la curiosité nouvelle. Je vois partir des éléments, filer, glisser, disparaître et d’autres se confronter aux luxes des camaïeux, des étapes du temps différentes, successives, comme peaux d’orange et d’oignon. Coule le ruisselet d’humeurs, dans des nuances respectées, choisies, l’ultime de la provocation des éléments qui s’imbriquent, se superposent pour enlacer la fin, toujours la fin. L’histoire est une possibilité, une fragrance au seuil des demeures abandonnées, un boyau, l’étranglement des possibles et le sel des plats du doute.

J’aime depuis quelques années le travail d’Elisabeth Querbes, une surprise sur le chemin. J’aime tout ce qui n’est pas encore dit, caché, ceinturé. Comme si derrière la colline, se trouve une autre colline, une mer, un désert. L’art ici procure ce sentiment, celui d’éponger les luxes dans l’huile des vidanges, de ramener le simple au subtil et de défaire les idées de l’objet, du fond et des reflets, d’en imiter leurs traces dans la poudreuse, là où l’évaporation guette au premier soleil. De ce terrain presque vague, je retrouve dans les bras de l’enfance le doute des couleurs, la synchronisation des espèces qui s’enchevêtrent, le jardin habité par les ronces et les lierres, la consistance du matelas oublié dont les moisissures et les feuilles collées disparaissent sous les journaux ficelés autour de l’armoire vitrée dont les sangles ont emmailloté un énorme tout que les hivers avaleront avec les buissons.
Aujourd’hui, si nous filons, nous attrapons au passage quelques affaires qui se souviennent de nous, le baluchon est prêt pour traverser les mers et les montagnes, le fil est loin de l’Art, mais l’humanité ne soupèse jamais ses cris. Rassembler des objets et les faire ployer au rythme des paquets, les poser dans le courant et leur donner un sens. La surexposition, la clarté des fils de lucioles, la douce odeur des laines perdues, le canevas d’un autre ordre des affaires du monde. Christophe Massé, 19 novembre 2023 

Fugace propose plus que présente, c’est une série de portraits poétique d’un travail. Artiste que j’aime, car le travail me fascine et m’immerge dans des rêveries particulières.
Fugace hébergé par Artishere.

Elisabeth Querbes – Paquetage n°10, 2021, assemblage, toiles, carte postale, livre, carnet, plateau, canevas, coussin, châles, couverture au crochet, ceintures, couvercle, poignée de plastique. (droits réservés 2023)